Bonjour,
Nous vous présentons l’opinion de Madame Danièle Pilette de l’UQAM
« Actuellement, la Ville de Montréal bénéficie d’un repositionnement économique structurel favorable. En effet, des économistes parlent d’un courant de re-métropolisation qui favorise un meilleur partage des activités économiques entre la plus grande métropole d’un espace national et sa métropole proche rivale ou ses quelques métropoles proches rivales. Ainsi, Montréal effectuerait un rattrapage par rapport à Toronto, mesuré en part relative d’affaires, quant au secteur de la culture, de l’information et des médias, de même que quant au secteur des services professionnels.
Par contre, le secteur financier, de l’assurance et de l’immobilier demeurerait sous large domination torontoise, comme l’a d’ailleurs illustré, en juin 2017, la localisation de la Banque de l’infrastructure du Canada à Toronto. De plus, un autre facteur structurellement favorable à la Ville de Montréal, la rareté des terrains disponibles, fait augmenter la part de la valeur du terrain dans le total de la valeur de la propriété immobilière, sans que des services municipaux supplémentaire soient nécessairement requis. Là encore, il s’agit d’une tendance lourde, qui s’inscrit dans un « cercle vertueux » favorable au dynamisme du marché immobilier montréalais et par conséquent au soutien de la richesse foncière de la Ville en tant qu’assiette fiscale. Dans ce cadre, il n’y a pas vraiment d’incitatif à l’austérité pour l’administration municipale. De plus, le programme de l’administration en place vise justement à améliorer le milieu de vie, ce qui ne va pas sans coûts.
Avant l’arrivée du maire Coderre au pouvoir, donc avant le budget 2014, sous l’administration Tremblay, les augmentations de dépenses ont été élevées en 2006 et aussi à compter de 2010, en fait en 2010, 2011 et 2012; un répit a été offert en 2013, année électorale. Il n’est pas exclu que la politique de dépenses de l’administration Plante-Dorais consiste à dépenser davantage en début de mandat, surtout que même un taux éventuel d’augmentation des dépenses plus faible rapportera beaucoup s’il est appliqué à des montants élevés de dépenses, résultants de fortes hausses des années précédentes.
L’administration Coderre-Desrochers a fait l’inverse : faibles augmentations de dépenses en début de mandat, 2014 et 2015, et augmentations raisonnables pour 2016 et 2017. Monsieur Desrochers s’est illustré par sa rigueur, et il était bien appuyé par le directeur général de la Ville, Alain Marcoux. Il faut dire qu’ils ont été aidés par l’adoption de la loi du Québec restructurant les régimes de retraite municipaux. Et que les audiences de la Commission Charbonneau et la mise en place de l’inspecteur général (BIG) à la Ville ont incité davantage de personnes à se montrer prudentes. Et il faut dire aussi que le directeur général avait mis en place un service d’optimisation organisationnelle, et un plan d’effectifs prévoyant une gestion serrée des nouvelles embauches.
En résumé, de multiples facteurs sont susceptibles de contribuer à l’augmentation Importante des dépenses sous l’administration Plante-Dorais (plus de 4% pour 2019) :
1-Le programme de Projet-Montréal, accorde une grande importance au milieu de vie et aux infrastructures. Les hausses de dépenses s’expliquent notamment par la hausse du paiement comptant d’immobilisations au budget de fonctionnement. Pour 2019, le montant d’immobilisations payées comptant au budget de la Ville de Montréal est de 441,6 millions $, incluant cependant un montant de 82,2 M$ provenant de fonds réservés antérieurs. Il est quand même impressionnant de payer de tels montants comptant, en plus d’avoir à financer le service de la dette pour d’autres immobilisations réalisées antérieurement).
2-La stratégie productive et astucieuse d’application des hausses de dépenses de préférence en début de mandat.
3-Le poids politique des arrondissements centraux et populeux en faveur de la dotation généreuse des arrondissements.
4-L’excellente situation économique de Montréal qui dynamise le marché immobilier et qui favorise la hausse des revenus tant des taxes foncières que des droits de mutation immobilières, etc… et qui rend moins opportune la restriction des dépenses de la Ville.
Enfin, peut-on qualifier d’importantes les hausses successives de 5,2% et 4,3% des dépenses de la Ville de Montréal, en 2018 et 2019? La réponse est qu’on dépasse de beaucoup les taux d’inflation. Cette situation serait acceptable à long terme qu’à la condition que Montréal conserve son élan économique, et le marché immobilier, sa vigueur.
Salutations cordiales.
Danielle Pilette, Ph.D., professeure associée,
Département de Stratégie, responsabilité sociale et environnementale,
École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG-UQÀM) »